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Dont extraits : Enfin, le 29 juillet, vers 22 heures, arriva
brusquement en première ligne l'ordre d'attaque pour le
lendemain, au petit jour. Le jour « J » serait le 30 ; l'heure «
H », 5 heures 45. Notre artillerie se taisait et ce silence
inaccoutumé étreignait les cœurs. Mais vers minuit, les canons
allemands se réveillèrent et commencèrent à battre
systématiquement nos positions. C'est sous les obus que se
placèrent les unités d'attaque, que se distribuèrent les vivres
et les munitions d'assaut. Enfin notre artillerie entama à son
tour le branle. A l'éclatement des 105 fusants autour de nous se
mêlait le bruissement soyeux de nos 75 qui allaient faire terrer
les Saxons.
Le régiment devait attaquer en liaison à droite avec un régiment
mixte de zouaves et de tirailleurs, à gauche avec le 23e. Les
limites de la zone d'attaque étaient les suivantes : à gauche,
la corne sud ouest du
bois de Hem, puis une ligne fictive allant de cette corne
au bois des Ouvrages et au point 440 de la deuxième position
allemande ; a droite, la route Hem-ferme de Monacu. L'assaut
devait être poussé sans arrêt jusqu'à l'objectif final, la
tranchée de Hanovre, le long de la route de Maurepas-Cléry.
Quant aux bataillons d'assaut, ce seraient le 2e à droite, le 3e
à gauche. Le Ier bataillon qui restait en réserve viendrait
tenir, aussitôt l'assaut déclenché, les positions de départ des
deux autres bataillons : Ire compagnie derrière le 2e bataillon,
2e compagnie derrière le 3e bataillon. La 3e compagnie
demeurerait en réserve de brigade.
A 5 heures 45, l'attaque se déclencha sur tout le
front franco-britannique au nord de la Somme, sur un terrain
coupé de bois, de chemins creux et de carrières, propice dès
lors à la défense. Nos soldats se jetèrent en avant sous les
rafales de 75 qui miaulaient au-dessus des têtes. Le barrage de
l'artillerie ennemie vint s'écraser derrière eux. Mais un épais
brouillard empêcha les sections d'autocanons et
d'automitrailleuses d'assurer la progression, en aveuglant les
résistances ennemies qui se dévoileraient.
A gauche, le 3e bataillon (capitaine Piébourg),
collant aux obus, entra dans le bois de Hem, s'empara de la
Carrière en pipe, atteignit le Tortillard et la station de Hem.
L'arrêt d'abord prévu sur la voie ferrée avait été expressément
interdit par le dernier ordre : il s'agissait d'atteindre, d'un
seul élan, sans se préoccuper des voisins, l'objectif final :
les 9e et 11e compagnies poussèrent donc droit devant elles, sur
le bois des Ouvrages, égrenant sur leurs traces les groupes de
nettoyage qui s'occupèrent de fouiller fossés, boqueteaux,
chemins creux où s'abritait le Boche. La 10e atteignit, de son
côté, la lisière est du bois de Hem, éparpillant aussi derrière
elles ses nettoyeurs, puisque, sous prétexte d'économiser des
forces, on imposait aux mêmes unités la double tâche de
progresser au pas de charge et de nettoyer. Mais des coups de
feu et des rafales drues de mitrailleuses éclataient de toutes
parts et jusque dans le dos des premières vagues ; des
silhouettes surgissaient du brouillard, coiffées d'un casque
étrange. Étaient-ce des nôtres ? Etaient-ce des Anglais ?
C'étaient hélas! des Allemands. Leurs troupes,
qui n'avaient pas été inquiétées par notre artillerie durant la
nuit précédente, étaient au coude à coude dans les tranchées
très peu détruites, et leurs unités de contre-attaque,
rassemblées intactes à quelque distance de la première ligne,
étaient prêtes à s'élancer et à saisir, comme dans un piège à
ressort, les éléments qui auraient pu percer. |